“What me call a lambis”, “Koko kokolechel” ,”Avec les copines, c’est cacaaaa par terre”, “Yo di yo badman yo konpwann’ sé yo”, “un jour sur ma Vespa”, “Fais un petit bisous à ta copineeee”, “La chou veut pas de toi range ton slip”, “Po-po-politics what’s up” etc…
Des chansons qui ont toutes dépassé l’audience antillaise/caribéenne qu’elle touche habituellement pour atterrir dans des événements non caribéens et faire danser les foules dans plusieurs parties du globe.
Beaucoup ne comprennent pas forcément ce qui est chanté, ni d’où vient le genre sur lequel ils aiment tant danser maintenant : le dancehall shatta. Plus triste, certains peine à reconnaitre la singularité du style créé en Martinique. C’est après avoir vu défiler des tweets et autres vidéos insinuant qu’il n’existerait pas de style, genre shatta et surtout que ce ne serait pas du dancehall que je me suis enfin décidée à travailler sur cet article que je devais poster il y a un bon moment déjà.
Alors qu’est-ce le dancehall shatta ? Un mot à retenir déjà : Mar-ti-ni-que.
Tout ce qui suit est issu de mes observations et des extraits d’un dossier que j’ai eu à réaliser cette année dans le cadre de ma formation Chargée de production en musique actuelles. Je me suis intéressée pour ce dossier à l’artiste Maureen et j’ai du pour cela décrire le genre dans lequel elle s’inscrivait. Alors j’ai dû rassembler mes connaissances et ce que j’ai pu observer pendant toutes ces années. Je suis née et j’ai grandis en Martinique et j’ai connu l’essor du Dancehall Shatta là bas, avant d’observer son essor en France Hexagonale. Merci de me créditer pour toutes reprises éventuelles. Aussi, ce sont mes observations tout ceci n’est donc pas exhaustif.
Le dancehall Shatta : style de dancehall née à la Martinique
Le dancehall dit shatta est un style, sous-genre de dancehall originaire de Martinique. C’est donc de la dancehall, tout comme le Gouyad est du Kompa/Compas ! Je constate que beaucoup ont du mal avec cela. Tout comme dans le zouk, il y a eu/a plusieurs styles, sous-genre : Zouk love, zouk rnb, zouk béton etc.. mais ça reste avant tout du Zouk.
Je ne m’arrêterai pas dans cet article sur la signification du mot shatta et je dirai toujours “dancehall shatta” et non “le shatta”. Sorry not sorry 😅. Reprenons notre petit cours rapide de shattalogie x).
Le Dancehall Shatta est né en Martinique dans les années 2010, il s’illustre par des riddims avec des notes, une mélodie prédominante, ce qui lui vaut parfois le nom de deux notes par ceux qui n’ont pas l’oreille. Le Dancehall Shatta c’est aussi (et surtout !) de la basse, beaucoup de basses et des textes plus légers, un esprit festif mais pas que. Les langues utilisées sont les suivantes : créole, français, patois jamaïcain, anglais.
Dans son interview avec Specta, VLG Rocki explique qu’avec le dancehall shatta, les DJs et compositeurs martiniquais, comme PSK Musik et Dj Skunk pour ne citer qu’eux, ont développé un style unique qui s’est construit d’année en année.
Rocki explique qu’ils ont “simplifié le dancehall”. Il cite aussi Niko et la team APK en expliquant qu’ils “ont accentué” ce style de dancehall propre à la Martinique qui existait déjà. Les membres de ce crew ont marqué et marque toujours les esprits et les caissons en enchainant les tubes dans ce style. J’en ai d’ailleurs fait une playlist en 2020, parce que vraiment c’était quelque chose ! (dites à Dj Skunk de mettre Explosion sur les plateformes d’ailleurs, pleaasee)
Le dancehall shatta a été accusé par certains de “tuer le dancehall martiniquais” à une époque (jusqu’à présent en vrai il est rejeté par certains “puristes”). Certains djs ont un temps boycotté le genre et/ou certains artistes s’inscrivant dans le genre. Rocki revient aussi sur ce sujet et cette accusation en expliquant qu’il faut différencier l’interprète, de l’instrumental sur lequel il pose.
Une instru “Shatta” n’est pas synonyme que de paroles grivoises et d’interprétations moyenne, et d’un niveau moindre.
Précurseurs du genre
Parmi les précurseurs et piliers du genre, on peut citer (liste non exhaustive) : PSK Music, Danthology, Ti Blica, Vlg Rocki, Magic feat Magic, Sorrow, Dj Skunk, Kryssy, Blicassty, Niko, M.T, Dj Digital, Dj Glad, Mafio House, Saaturn, Dj Vtrine.
D’autres grands noms du dancehall martiniquais se sont essayés avec succès au genre au fil des années comme Kalash (Big Machine, Lambis, Manigance Freestyle), X-Man (Boss Shatta, Pineco, Pon di beat) Paille (Lalaland, Coucou freestyle 1,2 et 3).
Diffusion du genre
Internet a joué et joue toujours un grand rôle dans l’essor et la popularité du Dancehall Shatta.
Il a beaucoup aidé ce genre qui n’était pas diffusé sur les radios (à l’exception de radio associative comme RBR par exemple qui diffusait quelques titres ). Les titres étaient proposés sur YouTube, Soundcloud ou encore sur des sites promouvant les artistes underground comme Madin Musik. Ils sont pour la plupart aujourd’hui disponibles sur les plateformes de streaming.
Le Dancehall Shatta est d’abord joué principalement dans les soirées/clubs et dans les mixs que les gens se partagent entre eux. Les soirées/clubs ont lieu, sont situés en Martinique et dans d’autres territoires de la Caraïbe, mais également en France Hexagonale dans les soirées caribéennes et/ou celles diffusant de la musique caribéenne. On peut désormais en entendre aussi hors de ces cadres.
Plus récemment c’est la plateforme TikTok qui a permis de diffuser le genre auprès d’une autre audience non caribéenne. On a pu observer de nombreuses vidéos sur la chanson Pineco d’X-Man et Natoxie, Shannon y a proposé un challenge pour son titre Mi an Shatta en collaboration avec Dj Jackson et Natoxie, et le Freestyle shatta d’une minute de Dj Coss est devenu viral.
Importance des remixes
Les remixes impliquant l’utilisation de voix d’artistes jamaïcains ont également conduit à la popularisation de ce style et de certains riddims. Cela parfois au détriment des autres versions proposées par les artistes locaux martiniquais ou d’ailleurs, que le public ne prend pas le temps d’aller découvrir.
Parmi les remixes les plus connus, inscrit dans la légende du dancehall shatta et de la musique Martiniquaise (yes I said it) : celui du remix de la voix de Vybz Kartel interprétant Beat Up The Cat sur le EDF Riddim de Dj Vtrine datant de 2011 et sur lequel on danse encore aujourd’hui.
On peut également citer le Nah Use Dem remix et le Borders Remix d’Exotic Crew, entre autres. Je reviendrai plus longuement sur les remixes dans un autre article.
Notons qu’onze ans plus tard, c’est un autre remix impliquant l’a ccapella de Vybz Kartel sur Speedometer Bun Up qui remporte un franc succès depuis ces derniers mois en Martinique :
Un style qui a dépassé son île natale
S’il est connu des caribéens francophones et des membres de la diaspora, le Dancehall Shatta plaît également à ceux qui sont sensibles à la musique caribéenne et aime danser dans le monde entier. C’est ainsi qu’on a pu retrouver par exemple le titre Le céliba ka ba de Saa’Turn dans une story instagram d’Aya Nakamura ou Premié cou pa pou de Sorrow dans celle de Booba.
On retrouve également sur YouTube des vidéos de personnes dansant sur du dancehall shatta dans les pays suivants : Panama, Kenya, Allemagne, Thaïlande…
Des artistes non Martiniquais, caribéens ou non, se sont également essayés au genre.
L’artiste français non caribéen Blaiz Fayah et qui s’inscrit dans ce registre s’est déjà produit en Colombie, était attendu au Chili et a même été programmé au Printemps de Bourges 2022.
On constate aussi depuis quelques années en France hexagonale une véritable appétence pour le style. J’ai pu l’observer à Paris dans des soirées non caribéennes, je regrette que ce soit les mêmes chansons qui soient souvent jouées quand on connait l’étendu du style. Mais c’est le jeu comme dans beaucoup d’autres styles également.
J’ai aussi pu notifier que certaines transitions initiées par les DJs antillo-guyanais étaient désormais reprises par d’autres DJs non caribéens. Je reviendrai également sur l’importance des DJs dans le développement du dancehall shatta dans un autre article.
Conclusion
Le but de cet article était de dresser un portrait rapide du genre. Tous les acteurs n’ont pas pu être cités et je pense que même si j’en connais beaucoup, je ne connais pas la totalité et j’en oublierai certains en tentant de tous les citer.
Ces dernières années ont été rythmées par Kryssy, Shannon, Maureen, Lijay, JD, Nacho, Dj Glad, Shottaàs, Natoxie, Dj Coss, La TDD Family, Whyneed, Dj Digital, MOB, Dj T’Fiish, Dj Chinwax, Dj Dav, Dj Coss, Kalash, X-Man, Arewhana Gang, Lagess, Blaiz Fayah. Là encore la liste n’est pas exhaustive et je vous laisse découvrir plein de gros sons et de nouveautés dans cette playlist que j’apprécie énormément Shatta Radio faite par Lijay :
Pour (re) découvrir des classiques, celles de Specta et Joupi vous mettront dans une ambiance bien SHATTAAA :
Un grand merci aux acteurs, actrices de ce genre: compositeurs, interprètes, DJs. Mèsi ba mizik la. Beaucoup souvent sont autodidactes d’ailleurs.
Je reste persuadée que le dancehall shatta peut conquérir le monde (rien que ça 🙂 ) !
Quand ça arrivera, j’espère que des compositeurs martiniquais seront impliquées dans les productions et prospéreront aussi avec et que le genre sera bien identifié, relié à l’île où il est né : la Martinique.
Shatta to di world 🚀